Les prix des céréales ont rebondi mais s’essoufflent
Tallage, cabinet d’études spécialisé dans les marchés des céréales, oléagineux et protéagineux, nous livre son analyse hebdomadaire.
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Les prix du blé et de l’orge ont rebondi en une semaine sur fond de tensions en mer Noire et de récoltes décevantes. Néanmoins, ils s’essoufflaient de nouveau en cette fin de semaine. L’amélioration des conditions de culture des sojas et des maïs aux États-Unis amène une petite pression baissière sur les prix.
Blé : les prix ont monté pendant la semaine
Les prix du blé rendu La Pallice et Rouen sont à parité, à 136,5 €/t (base juillet), en hausse de 11,5 €/t sur la semaine. L’incendie qui a touché des silos à grains dans le port de La Pallice est maîtrisé d’après la Sica et ne devrait pas avoir de conséquences sur les chargements des navires. Le rebond des prix a été très marqué en début de semaine, puis s’est en partie éventé sur cette fin de semaine.
Les prix français ont suivi les prix russes qui ont gagné 10 $/t cette semaine. Les exportations russes ont atteint un peu plus de 4 millions de tonnes le mois dernier, marquant un record absolu pour un mois de juillet. Cette performance a été possible, alors même que la navigation dans la mer d’Azov est toujours interdite la nuit, en raison du danger militaire. Vladimir Poutine a signé un décret pour faciliter le financement des exportations de grains, en permettant aux acheteurs de créer des comptes dans des banques russes.
Malgré la hausse des cours, le blé russe conserve son excellente compétitivité sur le marché, comme en témoigne le dernier achat de l’Égypte. Mardi dernier, Le Caire a acheté 235 000 tonnes de blé, uniquement d’origine russe. La semaine précédente, la Russie avait également remporté quasiment l’intégralité de l’achat égyptien, à l’exception d’un bateau de blé, originaire de Roumanie. Le prix du blé russe continue d’imprimer son rythme sur le marché, et la possible révision à la hausse de l’estimation de production du pays dans les prochaines semaines ne devrait pas inverser la tendance.
Cependant, la qualité des récoltes en Europe est scrutée attentivement cette année. Les inquiétudes sont vives en raison des pluies qui ont largement entravé les récoltes ces dernières semaines dans l’ouest de l’Europe. Si en France 89 % de la récolte de blé tendre était moissonnée au 7 août 2023, seulement la moitié était récoltée en Allemagne, alors même que les pluies y ont également été abondantes.
La situation est similaire en Pologne. Or ces deux pays fournissent habituellement des blés un peu plus protéinés que la France. En Ukraine, environ 60 % de la récolte devrait être déclassée en blé fourrager, contre 30 % habituellement. Des taux de protéines un peu bas sont également rapportés en Russie, avec une proportion un peu plus faible de blé à 12,5 % de protéines. La France devrait donc subir une concurrence accrue sur le créneau des blés à 11,5 % de protéines.
Concernant la guerre et son impact sur les marchés céréaliers, l’Ukraine a annoncé vouloir mettre en place un canal de navigation temporaire (dont l’itinéraire a été soumis à l’Organisation Maritime Internationale) pour permettre à des cargos transportant des containers de sortir des ports ukrainiens. L’espoir de voir aboutir cette démarche est mince sans une validation de la Russie, ce qui ne termine pas de convaincre les assureurs.
Orge : les cours trouvent un peu de soutien, surtout sur le segment brassicole
Sur la semaine, l’orge fourragère rendue Rouen a repris 16,5 €/t, pour s’afficher à 211,5 €/t. Elle efface ainsi une partie du repli effectué en début de mois, sans pour autant revenir au pic atteint le 24 juillet dernier. Elle est même en baisse depuis 2 jours. Les tensions autour des capacités d’exportations en mer Noire, notamment de l’Ukraine, demeurent en arrière-plan. Elles peinent néanmoins à faire monter durablement les prix, tant la situation est confuse et l’économie mondiale ralentie. Dans les chiffres, les exportations d’orge en provenance d’Ukraine ne sont actuellement pas très élevées. Ce sera avant tout le niveau réduit de sa récolte qui limitera les exportations.
Dans le même temps, la Russie a exporté un volume record de 1,1 million de tonnes d’orge en juillet 2023, contre 262 000 tonnes en juillet 2022 ! Les orges russes sont les plus compétitives du marché, à seulement 185 $/t Fob Novorossiysk. Elles sont tout de même en hausse de 10 $/t sur une semaine, réagissant à ce fort rythme de chargement. Elles restent moins chères que les orges françaises qui s’élèvent à 243 $/t Fob.
Cela n’a pas empêché les exportations françaises vers la Chine d’être très dynamiques, avec environ 850 000 tonnes expédiées, ou en cours de chargement depuis le 1er juillet (contre seulement 243 000 tonnes l’an dernier sur la même période). Elles pourraient ralentir puisque la Chine a mis fin à sa taxe prohibitive sur les importations d’orges australiennes. Néanmoins, les orges françaises seront sollicitées, d’une manière ou d’une autre, sur la scène internationale étant donné la faible récolte mondiale attendue cette année, notamment au Canada.
Sur le segment brassicole, l’orge d’hiver Fob Creil grimpe de 12 €/t, à 237 €/t tandis que celle de printemps gagne 20 €/t, à 318 €/t. Les primes sont très élevées, surtout pour les variétés de printemps. Alors que la récolte européenne des orges de printemps était déjà attendue à un faible niveau, les qualités ne cessent de se dégrader à cause des fortes pluies en Europe du Nord qui ralentissent les moissons. À cela s’ajoutent des perspectives de récolte diminuées au Canada à cause de la sécheresse, alors que ce pays est habituellement un important producteur d’orge de brasserie.
Colza : les prix français marquent une pause
En France, les prix du colza ont peu évolué d’une semaine sur l’autre (+1 €/t). Le colza rendu Rouen s’affiche à 454 €/t tandis que le colza Fob Moselle s’élève à 461 €/t. Les récoltes sont toujours en cours dans l’Union Européenne et pèsent actuellement sur les prix. Les conditions météorologiques plus sèches dans d‘autres régions du monde ont compensé le potentiel de baisse des prix.
C’est notamment le cas au Canada où les perspectives de rendement sont mauvaises en raison du temps chaud et sec. Les pluies ont en effet été éparses ces dernières semaines dans les prairies canadiennes. Alors qu’il se situe toujours à un niveau élevé par rapport aux autres origines, le prix du canola canadien a légèrement reculé sur l’ICE futures (IntercontinentalExchange), afin de gagner en compétitivité à l’exportation.
Les exportations de canola canadien ont en effet été décevantes en juin. À seulement 291 800 tonnes, les volumes expédiés ont été à leur plus bas niveau depuis septembre. L’amélioration de la situation climatique dans le Midwest aux États-Unis a également pesé sur les cours canadiens cette semaine. Cela devrait soulager les cultures de soja qui sont en pleine phase de remplissage des gousses. Le marché est aussi dans l’attente du rapport Wasde du département de l’Agriculture des États-Unis (USDA), qui sera publié ce vendredi, contribuant à l’évolution modérée des cours.
Tourteaux de soja : le repli des cours se poursuit
Le cours du tourteau de soja a de nouveau reculé cette semaine, entraîné par les perspectives de pluies et de températures plus fraîches dans le Midwest aux États-Unis. Sur le Chicago Board of Trade (CBOT), son prix a perdu près de 22 €/t sur le rapproché. Les précipitations sont plus que bienvenues pour les plantes qui sont dans leur phase de remplissage des gousses, phase qui nécessite beaucoup d’eau. Au 6 août, les conditions de culture se sont légèrement améliorées. Ainsi, 54 % des cultures étaient jugées en état bon à excellent, contre 52 % une semaine plus tôt.
La baisse des prix a été atténuée ces dernières semaines par des exportations dynamiques de soja américain, notamment vers la Chine. À cela s’ajoute le cours du porc chinois qui a légèrement progressé récemment, mais qui reste tout de même à un bas niveau. La trituration dans le pays a également progressé au mois d’août, reflétant une potentielle meilleure demande du secteur animal en Chine.
À Montoir-de-Bretagne, le cours du tourteau de soja a reculé de 14 €/t sur la semaine (à 483 €/t), entrainé par les cours mondiaux. Dans le même temps, le tourteau de soja doit toujours faire face à la forte concurrence des céréales au sein de l’Union Européenne, ainsi que des tourteaux concurrents et du pois fourrager. La demande du secteur animal en France reste faible, affectée par un cheptel porcin en déclin et par des populations de volailles nettement réduites par la grippe aviaire.
À suivre : météo en Amérique du Nord (blé, orge, colza, maïs, soja), en Europe et en mer Noire (maïs, tournesol) et en Australie (blé, orge, colza), exportations de l’Ukraine et de la Russie, production d’huile de palme en Asie du Sud-Est, conjoncture économique mondiale (croissance, inflation), prix du pétrole, parité euro/dollar.
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